Un dessin de mode, c’est un dessin (2)

mercredi 26 septembre 2018
par  ARB


Un dessin de mode, c’est un dessin


dixit F. M. Dostoïevski… et aussi A. Alaïa


par Line Audin


Transposons maintenant notre modèle Réalité/Monde Intermédiaire/Langue au champ de la haute couture.


Azzedine Alaïa concevait ses vêtements directement sur le corps des femmes pour mettre le moins de distance et d’intermédiaires possibles entre la réalité qu’il avait dans la tête et la robe achevée.


Le célèbre couturier ne confondait pas celui qui dessine la robe et celui qui fait de la robe dessinée, un objet de mode tangible, concret. Il se définissait d’ailleurs comme un couturier et se plaisait à dire : « Je ne suis pas designer, on ne s’habille pas d’un dessin ».


En effet, un dessin de robe, ce n’est pas une robe. Azzedine Alaïa et F. M. Dostoïevski en sont bien d’accord. C’est un dessin qui a une fonction, servir de passerelle entre ce que le créateur a dans la tête et l’objet réel visé. Ainsi le dessin de mode se rapprocherait d’une forme de langage. Chaque détail y a sa fonction, ce n’est pas un simple ornement, mais un indice pertinent essentiel pour passer de la réalité imaginée par le créateur, à l’objet réel –la robe. Les traits du crayon sur le papier sont des codages qui renseignent ceux qui savent les décoder : textiles, couleurs, fils, aiguilles, perles, plissés, brodés, coupés.



C’est seulement au terme d’un processus long et exigeant, fait de gestes techniques professionnels, dans un va-et-vient continuel entre le dessin de la robe et l’objet-robe en cours de fabrication, que la réalité du créateur (la robe qu’il a dans la tête) rencontrera la réalité perceptible (la robe réelle).


Le dessin de mode est donc un substitut abstrait de l’objet visé. Comme le mot essentiel écrit en capitales d’imprimerie dans le Monde Intermédiaire, le dessin de mode, stylisé, paré de ses seuls éléments pertinents[1], sert d’intermédiaire entre la réalité mentale du créateur et l’objet réel abouti, la robe. Un intermédiaire qui permet de créer une infinité de robes, toutes identiques, conformes à la réalité du créateur, toutes uniques pourtant, dans la réalité du monde physique[2.



[1] Comme la présence du « s » dans le mot essentiel rappelle qu’il y a plus d’un dans la réalité et qu’il faudra donc une marque de pluriel dans la langue.


[2] Pour en savoir plus sur Azzedine Alaïa


 


 


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